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Comme à la maison
16 octobre 2013

Dans ma rue

Tous les jours, je passe devant cette maison, parfois même plusieurs fois par jour…

Depuis que je suis toute petite, je suis convaincue que les maisons ont une âme, probablement parce que j’ai grandi dans un vieux moulin qui était dans ma famille depuis 1670… ça faisait quelques années quoi…

Parfois, je me dis que si ce moulin pouvait parler, il en aurait des choses à me dire sur ce qui s’est passé entre ses murs séculaires…

Cette maison là est vieillotte pour certains, délabrés pour d’autres, elle est différente de tout ce qui est autour, c’est certain, encore plus depuis qu’une bibliothèque flambant neuve a été construite juste à côté…

Je ne sais pas pourquoi ses volets battants sur des fenêtres noircies me font cet effet, mais chaque fois que je passe mon regard est attiré par elle…

La première fois, j’ai surtout remarqué le nom sur la sonnette qui m’a frappé, et les 2 numéros de rue, personne n’avait pris la peine de retirer le numéro qui n’avait plus cours et le dernier occupant n’avait même pas retiré son nom en partant…

Du coup, j’ai laissé mon imagination vagabonder et j’ai imaginé que cette maison pouvait parler…

Forcément, elle a sa façon de s’exprimer, une manière un peu désuète, il ne faut pas lui en vouloir, il y a longtemps qu’elle est abandonnée…

« Je suis née à la fin des années 50, dans une rue qui ne portait, à l’époque, que le nom de Chemin communal. Une rue bordée de prés boisés où des cerfs venaient s’égarer, juste à la lisière des maisons.

Je suis née à la fin des années 50 dans un quartier bourgeois, où les demeures rivalisaient de majesté, certaines prenant même des airs de faux manoirs anglais avec leurs tourelles, leurs lierres grimpants et leurs immenses parcs.

Je suis née à la fin des années 50 dans une ville qui a connu la richesse de la soie mais aussi sa révolte, quand les canuts sont sortis de l’ombre pour crier leur existence.

Je suis née à la fin des années 50. Ce n’est pas hier, mais ce n’est pourtant pas si loin.

Si je ne suis pas de chair est de sang, il n’en est pas moins que j’ai une âme. Une âme un peu abandonnée par tous ceux qui un jour sont passés dans mes murs ; jeunes amoureux insouciants, famille pleine de vie et de joie, couple vieillissant silencieux. Toute une vie m’a habitée, alors que je passais dans ce siècle sous une fausse impassibilité ; à l’intérieur, je bouillonnais, je vivais.

Une robe à fleurs dans une chambre, un parquet craquant dans un salon, un œil brisé parfois puis remplacé avec soin. J’étais, je voyais, je respirais…

Le temps a passé, le chemin est devenu rue quand les faux manoirs se sont démunis de leurs parcs pour laisser la place à de grands immeubles à l’air impersonnel et pourtant porteurs de vie eux aussi. Les cerfs ont fuis, effrayés de toute cette agitation.

J’ai changé de nom, mais personne n’a jamais songé à me retirer celui que je portais avant, à ma naissance, quand tout n’était que promesse.

Personne n’a jamais songé à panser mes plaies qui sont depuis devenues des cicatrices offertes à la vue de tous.

Personne n’a jamais cherché à savoir qui j’étais, quels drames ou quels bonheurs avaient connu mes murs, pourquoi j’étais née là, à ce moment-là, dans cette rue-là.

J’ai subi l’outrage du temps quand tout autour de moi tout n’était que progrès, évolution…

Il y a longtemps maintenant que mes yeux ne s’ouvrent plus. Je ne vois plus le soleil qui réchauffait mes murs et les fleurs depuis longtemps fanées de la chambre.

Il y a longtemps maintenant que le parquet du salon n’a pas retenti de pas joyeux ou même lourds de ce temps qui nous abime.

Il y a longtemps maintenant que plus personne ne songe à moi. Tous ne font que passer, indifférents à ma solitude, à ma déchéance ; tout au plus songent-ils qu’un jour je vais tomber, seule ou sous les coups d’une machine qui viendra abréger ma souffrance pour mieux me remplacer par la jeunesse, la vie.

Je suis née il y a 60 ans et je ne supporte plus, aujourd’hui, de n’être que la verrue qui gène votre regard quand je ne demandais qu’à vivre et abriter la vie. »

131016 - Dans ma rue

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Commentaires
L
Coucou ma Belle<br /> <br /> Quel talent d'écrivain ton billet m'a touchée, émue et j'ai pris un réel et grand plaisir à le lire.<br /> <br /> J'ai savouré jusqu'à la dernière ligne et j'ai été déçue d'être déjà arrivée à la fin car j'aurais aimé que cela ne s'arrête pas tant j'ai pris du plaisir.<br /> <br /> Nous avons parfois des lieux qui nous interpellent et qui dégagent tant de vie et d'âme que nous sommes désolées de les voir abandonnés alors qu'ils ne demandent qu'à continuer à distribuer de la joie, de la chaleur et du bonheur.<br /> <br /> Bravo à toi je suis sur mon petit nuage car j'ai lu une petite merveille bien trop courte à mon goût. Peut être un jour nous offriras-tu la suite de l'histoire et ce sera avec grand régal que je la lirai<br /> <br /> Plein de gros gros bisous<br /> <br /> Amitiés<br /> <br /> Libellule
V
Et bien, tu étais inspirée !!!!<br /> <br /> Oh oui, c'est chouette les vieilles maisons !
S
Pourquoi les volets de la fenêtre en haut à droite ne sont-ils pas fermés complètement .... çà m'interpelle ...
L
J aime beaucoup !<br /> <br /> J habite dans une vieille maison (1850) et depuis qq temps je me dis qu elle me survivra si facilement...
T
Je pense qu'on en a tous une pas loin de chez nous :)
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